Dans l’enseignement supérieur, les travaux dirigés (TD) jouent un rôle essentiel : ils permettent aux étudiants de s’approprier les notions vues en cours magistral, de développer leur esprit critique et d’apprendre à collaborer. Pourtant, à distance, organiser un TD efficace peut vite devenir un casse-tête : les étudiants se sentent parfois isolés, l’interaction se réduit et les enseignants croulent sous la charge de correction. Dans ce contexte, la correction par les pairs émerge comme une solution innovante. Elle ne se limite pas à décharger l’enseignant, elle transforme les TD en véritables espaces d’échange et de co-apprentissage.

1. Comprendre les bénéfices de la correction par les pairs

La correction par les pairs consiste à confier aux étudiants l’évaluation des productions de leurs camarades. Cette pratique repose sur une idée simple : on apprend autant en évaluant qu’en étant évalué. Les recherches montrent que les étudiants développent une meilleure compréhension des critères d’évaluation, améliorent leur esprit critique et gagnent en autonomie. Par ailleurs, recevoir plusieurs retours différents sur un même travail permet d’avoir une vision plus riche et nuancée qu’avec un seul feedback d’enseignant.

À distance, cette méthode prend tout son sens. Dans un MOOC, par exemple, il a été montré que des feedbacks reçus rapidement après une activité augmentent significativement la réussite des participants. Les plateformes numériques offrent aujourd’hui la possibilité d’automatiser l’attribution des corrections, de garder l’anonymat si nécessaire, et de structurer les échanges de manière fluide.

2. Exemples de mise en pratique issus de la recherche

Une étude menée à l’Université de Limoges auprès d’étudiants en kinésithérapie a testé un atelier de correction par les pairs dans un dispositif hybride. Les résultats ont montré une réelle faisabilité : les notes données par les pairs étaient comparables à celles d’enseignants, et les étudiants ont déclaré vouloir davantage d’ateliers de ce type. Cela prouve que même dans des disciplines très pratiques, la méthode peut être adaptée.

Dans une autre recherche, Lai (2015) a demandé aux étudiants de participer à la construction des critères d’évaluation avant d’échanger leurs travaux. Cette approche a eu un double effet : d’une part, elle a responsabilisé les étudiants, qui ont mieux compris ce qui était attendu, et d’autre part, elle a amélioré la qualité des retours. Cette démarche montre qu’un TD en ligne peut devenir un espace de co-construction des savoirs.

Enfin, certaines expérimentations ont ajouté une dimension ludique. Tenório (2016) a mis en place un système de points et de récompenses pour encourager les étudiants à donner des feedbacks de qualité. Dans ce cas, la correction devient un moteur d’engagement supplémentaire, particulièrement utile à distance où la motivation tend à s’éroder.

3. Construire un TD interactif à distance pas à pas

Imaginons un TD de trois heures en visioconférence. L’enseignant commence par présenter la thématique et propose un exercice à réaliser en sous-groupes pendant 30 minutes. Chaque groupe dépose ensuite sa production (par exemple un résumé d’article, une analyse de cas ou un schéma conceptuel) sur la plateforme. Les productions sont automatiquement attribuées à d’autres groupes qui disposent de 20 minutes pour les commenter et suggérer des pistes d’amélioration. De retour en plénière, chaque groupe partage ce qu’il a appris en corrigeant les autres et ce qu’il retient des feedbacks reçus. L’enseignant complète en apportant une synthèse et en revenant sur les points de vigilance.

Ce type de séquence est reproductible dans de nombreux contextes disciplinaires. En mathématiques, les étudiants peuvent résoudre des exercices et comparer leurs démarches. En sciences sociales, ils peuvent analyser un document et confronter leurs interprétations. Dans tous les cas, la correction par les pairs introduit une dynamique de dialogue et de réflexivité qui rend le TD plus vivant.

La scénarisation est essentielle : il faut définir clairement les consignes, donner aux étudiants des critères d’évaluation explicites (quitte à les construire avec eux) et prévoir un temps de restitution pour mettre en valeur le travail de chacun. L’enseignant joue ici un rôle de facilitateur : il guide, observe, relance si nécessaire, et surtout valorise les apports des étudiants.