L’auto-évaluation c’est quoi ?
L’évaluation par les pairs présente de nombreux avantages (Lire notre article sur les avantages de l’évaluation par les pairs), mais pour profiter pleinement de ceux-ci, un idéal est à atteindre. Son intégration dans un programme pédagogique comprenant plusieurs méthodes s’enrichissant entre elles. On appelle cela la triangulation des méthodes (Topping, 20031 ; Cho & MacArthur, 20102).
Nous allons dans cet article vous expliquer pourquoi l’auto-évaluation est la méthode faite pour être combinée à l’évaluation par les pairs. Et développer les avantages pédagogiques de cette combinaison de méthode pour les étudiants. Commençons par définir l’auto-évaluation. C’est un processus d’évaluation au cours duquel les étudiants réfléchissent sur leur travail et l’évalue en comparaison à des objectifs ou des critères donnés (Lire notre article sur la construction de critères) (Andrade, 20073).
Feedback et rétroaction
Pour comprendre la plus-value de l’utilisation combinée de l’auto-évaluation et de l’évaluation par les pairs, il faut d’abord s’intéresser à comment un feedback (un avis sur un travail) permet à l’étudiant de progresser. Pour que l’étudiant progresse, il faut qu’il effectue une remise en question sur son travail, qu’il en comprenne les défauts, afin de se corriger et de s’améliorer. Mais la remise en question nécessite que l’étudiant soit d’accord avec les feedbacks qu’on lui fait. Pour cela, il compare les feedbacks de ses pairs et de ses professeurs – des feedbacks externes – à sa propre représentation de son travail – ses feedbacks internes –. Si les feedbacks externes sont en phase avec sa vision de son travail il se remettra en question, si ils sont en désaccords l’étudiant reviendra à un état d’assonance en rejetant soit les feedbacks externes soit les feedbacks internes (Butler & Winne, 19954).
On comprend donc l’importance du feedback pour le progrès de l’étudiant. C’est là que l’auto-évaluation devient cruciale. Grâce à celle-ci, l’étudiant prend – pleinement – conscience de son feedback interne en réfléchissant à son travail via un processus évaluatif. Ainsi, il pourra se comparer à un feedback externe et donc enclencher le processus de remise en question. Sans cette étape de prise de conscience du feedback interne, les étudiants en recevant un feedback externe vont avoir tendance à mettre en place des mécanismes de défense psychologique rejetant le feedback externe. (Butler & Winne, 1995 4; Liu & Carless, 20065 ; Reinholz, 20166).
L’évaluation par les pairs sera donc la source de feedback externes venant se confronter aux feedbacks internes produits grâce à l’auto-évaluation. Ensuite, plusieurs autres possibilités sont envisageables et à ajouter à l’auto-évaluation afin de diminuer la dissonance possible entre feedback externe et feedback interne. Augmentant les chances de remise en question – et donc de progrès – de l’étudiant.
Les avantages pédagogiques de la méthode
En plus de permettre à l’étudiant de progresser via la remise en question, l’auto-évaluation couplée à l’évaluation par les pairs à d’autres avantages.
L’auto-évaluation permet à l’étudiant de réfléchir sur son travail et les processus qu’il a mis en place pour le produire. Cette métacognition, lui permet de mieux comprendre les attentes du travail et donc d’être plus performant pour l’évaluation par les pairs (Wanner & Palmer, 20187). De la même manière, l’évaluation par les pairs permet à l’étudiant d’être meilleur évaluateur et donc plus performant dans son auto-évaluation (Bostock, 20008 ; To & Panadero, 2019). En utilisant les deux méthodes régulièrement on entre donc dans un cercle vertueux de progrès.
De plus, au sein d’une même activité, si auto-évaluation et évaluation par les pairs partagent une même grille de critère, alors les étudiants se familiarise à l’outil, ce qui renforce la qualité de leurs évaluations (Rust, Price & O’Donovan, 200310).
En précédant l’évaluation par les pairs par une auto-évaluation, les étudiants ont une meilleure confiance en eux en tant qu’évaluateurs (Rust, Price & O’Donovan, 200310), ce qui répond à une peur des étudiants quant à leurs capacités d’évaluateur (Panadero, 20169).
L’auto-évaluation et l’évaluation par les pairs développent l’esprit critique et l’esprit réflexif des étudiants, en les associant on crée donc un système complet qui permet un développement optimal de ces compétences (Falchikov, 198611 ; Hanrahan & Isaacs, 2001 ; Wanner & Palmer 20187). Ce qui à long terme permet un apprentissage plus durable pour les étudiants (Lynch, 201212).
Les points à prendre en compte
Plusieurs points sont à prendre en compte dans l’application de la méthode pour que les étudiants puissent bénéficier pleinement de ces avantages.
La compréhension de la méthode
Faire une évaluation par les pairs joint à une évaluation par le professeur, si celles-ci concordent, l’étudiant aura plus de sources le forçant à rejeter son feedback interne. Si celle-ci ne concordent pas, alors c’est un signe pour le professeur que les étudiants on mal compris le cours ou la méthode d’évaluation par les pairs.
Prendre du recul
Laisser un temps entre l’évaluation par les pairs et sa restitution. Cela permettra à l’étudiant de pendre du recul sur son travail et de se désinvestir émotionnellement, il sera alors plus enclin à écouter le feedback externe.
Organisation une réunion
L’organisation de réunions entre étudiant évaluant et étudiant évalué afin d’échanger sur leurs points de vue respectifs aidera aussi les étudiants à accepter les feedbacks externes.
Bibliographie :
1 Topping, K. (2003). Self and peer assessment in school and university: Reliability, validity and utility. In Optimising new modes of assessment: In search of qualities and standards (pp. 55-87). Springer, Dordrecht.
2 Cho, K., and C. MacArthur. 2010. “Student Revision with Peer and Expert Reviewing.” Learning and Instruction 20 (4): 328–338. doi:10.1016/j.learninstruc.2009.08.006
3 Andrade, H. & Du, Y. (2007). Student responses to criteria-referenced self-Assessment. Assessment and Evaluation in Higher Education, 32 (2), 159- 181
4 Butler, D. L., and P. H. Winne. 1995. “Feedback and Self-Regulated Learning: A Theoretical Synthesis.” Review of Educational Research 65 (3): 245–281. doi:10.3102/00346543065003245
5 Liu, N.-F., & Carless, D. (2006). Peer feedback: the learning element of peer assessment. Teaching in Higher Education, 11(3), 279–290. doi:10.1080/13562510600680582
6 Reinholz, D. 2016. “The Assessment Cycle: A Model for Learning through Peer Assessment.” Assessment & Evaluation in Higher Education 41 (2): 301–315. doi:10.1080/02602938.2015.1008982.
7 Wanner, T., & Palmer, E. (2018). Formative self-and peer assessment for improved student learning: the crucial factors of design, teacher participation and feedback. Assessment & Evaluation in Higher Education, 1–16. doi:10.1080/02602938.2018.1427698
8 Bostock, S. (2000). Student peer assessment. Learning Technology, 5(1), 245-249v
9 Panadero, E. 2016. “Is It Safe? Social, Interpersonal, and Human Effects of Peer Assessment: A Review and Future Directions.” In Handbook of Human and Social Conditions in Assessment, edited by B. Gavin and L. Harris, 247–266. New York: Routledge
10 Rust, C., M. Price, and B. O’Donovan. 2003. “Improving Students’ Learning by Developing Their Understanding of Assessment Criteria and Processes.” Assessment & Evaluation in Higher Education 28 (2): 147–164. doi:10.1080/ 02602930301671.
11 Falchikov, N. 1986. “Product Comparisons and Process Benefits of Collaborative Peer and Self-Assessments.” Assessment and Evaluation in Higher Education 11: 146–166. doi:10.1080/0260293860110206
12 Topping, K. (2003). Self and peer assessment in school and university: Reliability, validity and utility. In Optimising new modes of assessment: In search of qualities and standards (pp. 55-87). Springer, Dordrecht.